Goûteur d'eau, une profession méconnue
Ce métier méconnu existe bel et bien. Quelles sont les qualités requises pour devenir goûteur d'eau ? Comment se déroulent les tests ? Éclairage avec Aurélie Demésy, formatrice et responsable au sein de la société gaz et eaux, dans le Doubs.
Journaliste
Votre rôle est-il de recruter des goûteurs d'eau ?
Aurélie Demésy
Je suis chargée de former et d'animer les panels de dégustation.
Journaliste
Pourquoi n'utilise-t-on pas une machine pour goûter l'eau ?
Aurélie Demésy
Parce que c'est du domaine de l'olfaction et du ressenti, de la sensation et du goût. Les analyses peuvent nous donner des informations sur des origines du goût et de l'odeur, mais c'est vraiment la perception du consommateur qui est importante.
Journaliste
Donc, rien ne vaut un bon palais ?
Aurélie Demésy
Oui ! On a même eu des cas où les analyses ne permettaient pas de déceler des problèmes de goût et d'odeur, mais l'humain le pouvait.
Journaliste
Comment se déroule une séance de dégustation ? Comme celle du vin ?
Aurélie Demésy
Eh bien, à la différence du vin, on n'a pas besoin de cracher, sauf si l'eau n'est pas agréable ! Mais oui, on déguste des échantillons d'eau comme on le ferait avec du vin pour déterminer s'il y a des défauts de goût de l'eau. Si oui, on mettra en place des actions de correction pour améliorer la qualité.
Journaliste
Ces tests sont-ils aléatoires ?
Aurélie Demésy
Cela dépend. Soit il s'agit d'un panel choisi dans le cadre d'une problématique particulière, par exemple si on a eu un retour de consommateurs après un changement de ressource, soit au cas par cas. Si on a décelé un problème, une dégustation va nous permettre, quoi qu'il en soit, de faire avancer la situation.
Journaliste
Combien de personnes forment-elles le panel ?
Aurélie Demésy
Encore une fois, c'est selon la situation : quand il est désigné localement au sein de l'entreprise, le panel est composé de six et dix personnes. Mais si c'est un panel de consommateurs d'une collectivité, la taille est complètement variable.
Journaliste
A quel moment l'eau du robinet peut changer de goût ?
Aurélie Demésy
Si on change le moyen de désinfection, le type de traitement, ou alors avec la mise en œuvre d'une nouvelle ressource, le goût peut changer.
Journaliste
Comment se passe un test ?
Aurélie Demésy
Comme le vin : le principe, c'est d'être dans une pièce qui n'a pas d'odeur, pas de parfum. On déguste l'eau dans un flacon bouché. On la goûte d'abord, on la fait rouler dans la bouche. Ensuite, on fait chauffer l'échantillon à 25 degrés, et c'est seulement à la fin qu'on sent l'échantillon, parce qu'on est beaucoup plus influencé par l'odeur que par le goût. La dégustation dure quelques minutes. Apres avoir goûté et senti le flacon, on s'aide d'une roue des saveurs servant de référentiel à tous les goûteurs d'eau. Elle est composée des quatre goûts de l'eau possibles -le salé, le sucré, l'amer ou l'acide- mais aussi des odeurs comme le chlore, le floral, le médicament, le poisson... L'eau d'Évian est notre eau de référence, c'est un peu notre niveau zéro, notre eau témoin.
Journaliste
Quelles sont les qualités à avoir pour être un bon dégustateur ?
Aurélie Demésy
Tout le monde peut l'être, même si on préfère des non-fumeurs. Il ne faut pas avoir mangé quelque chose qui laisse un goût dans la bouche, comme des épices ou de l'ail. Et pour les personnes touchées par des maladies qui coupent le goût et les odeurs, ça peut être compliqué. Mais tout ça se travaille. Tout le monde peut potentiellement devenir goûteur d'eau, homme ou femme, jeune comme moins jeune. La formation commune dure quelques heures, et c'est à force de s'entraîner que l'on devient un bon dégustateur.
Journaliste
Cette profession est-elle rémunérée ?
Aurélie Demésy
C'est du volontariat. Il s'agit en général des gens travaillant au sein de l'entreprise, sauf quand on parle d'un panel de consommateurs. Dans ce cas-là, ce sont des appels à consommateurs qui sont faits au sein des collectivités. En contrepartie de leur aide, on va leur organiser des visites des installations de production d'eau potable, par exemple. Ce travail est basé sur de l'échange mutuel.
Journaliste
Existe-t-elle partout ?
Aurélie Demésy
Pas du tout ! Ce n'est pas une obligation. Toutes les régies n'ont pas de goûteurs d'eau, bien qu'on imagine que chez les grands fournisseurs privés d'eau, ce principe existe. Mais ce n'est pas systématique, à l'instar des analyses de l'agence régionale de santé.
Journaliste
Il n'existe donc pas de législation autour de ça ?
Aurélie Demésy
Non, la seule législation qui est en rapport et qui peut s'y référer, c'est le texte qui dit qu'une eau distribuée doit être exempte de goût, d'odeur et de saveur.
Journaliste
Quelle est la meilleure eau, selon vous ?
Aurélie Demésy
A la dégustation, c'est une eau sans défaut, sans odeur, sans goût, sans saveur. Une eau qui passe inaperçue, en somme. Elle ne doit rien avoir de particulier. Être la plus neutre possible !