Dix grandes fusions-acquisitions qui ont marqué l'industrie française

C'est officiel, le français Alstom a annoncé ce lundi un accord pour racheter le canadien Bombardier. Une fusion-acquisition qui, si elle a bien lieu, permettrait au nouveau groupe ferroviaire formé d'être de taille à affronter la menace industrielle chinoise. Ces deux dernières décennies, d'autres fusions-acquisitions ont aussi marqué le paysage économique industriel français.

Ebra Presse
Created by Ebra Presse Feb 17, 2020

246 milliards de dollars en 2017

Dans les opérations de fusions-acquisitions, les entreprises françaises ont un appétit conséquent. En 2017, celles impliquant des groupes tricolores, que ce soit à la vente ou à l'achat, ont totalisé environ 246 milliards de dollars (environ 204 milliards d'euros). Un chiffre en hausse de 50% par rapport à l'année précédente, selon les chiffres publiés à l'époque par Thomson Reuters.
Voici ci-dessous quelques exemples.

1999-2000 : Total - Petrofina - Elf

Total, c'est le fleuron français de l'industrie pétrolière et gazière. Et comme on pouvait s'y attendre, elle a à son actif d'importantes fusions-acquisitions : celle avec Petrofina et celle avec Elf.
Après un rapprochement opéré de longue date avec le groupe pétrochimique belge Petrofina, le géant Total devient TotalFina en 1999. Le groupe emploi alors 70 000 personnes. Cette prise de contrôle est estimée à 18 milliards de francs suisses (environ 17 milliards d'euros).
Mais la fièvre de Total ne s'arrête pas là. Peu après cette acquisition, TotalFina lance en juillet 1999 une offre publique d'achat (OPA) sur les actions d'Elf Aquitaine. Cette dernière sera finalement acquise par Total en mars 2000. Le nouveau groupe prend alors le nom de TotalFina-Elf. Une opération estimée à 345 milliards de francs à l'époque, soit environ 52 milliards d'euros.
En 2003, TotalFinaElf retrouve son nom d'origine : Total.

2006 : Mittal - Arcelor

En janvier 2006, Mittal Steel Company NV, société néerlandaise, lance une OPA sur le groupe européen de sidérurgie Arcelor (Espagne, Luxembourg et France). Décidé à ne pas se laisser acheter si facilement, Arcelor y fait échec. Le groupe met en avant une dette presque entièrement résorbée, des résultats positifs et de nouveaux entrants au capital de l'entreprise.
Mais cinq mois plus tard, Mittal fait une nouvelle offre, gonflée de 44%. Et suffisante pour faire changer d'avis la direction d'Arcelor. Montant total de la transaction : 26,9 milliards d'euros.
Aujourd'hui, ArcelorMittal se revendique comme le leader de l’exploitation sidérurgique et minière, employant 209 000 salariés (dont 88 000 en Europe), dans plus de 60 pays.

2008 : GDF - Suez... Engie

Si Engie est aujourd'hui le troisième plus grand groupe mondial dans le secteur énergétique (hors pétrole), il a dû lui aussi en passer par une fusion. Celle en 2007 de Gaz de France (GDF) et Suez. Plus d'un an et demi après l'annonce de leur rapprochement, Suez et Gaz de France officialisent en septembre 2007 leur fusion. Juridiquement, on parle d'ailleurs d'une absorption de Suez par Gaz de France. Dans le contexte de scission EDF-GDF, les dossiers des 11 millions de clients de Gaz de France sont alors transférés vers GDF Suez.
En avril 2015, le groupe annonce finalement le changement de son nom commercial en "Engie".

2014 : Alstom - General Electric

En 2014, après le feu vert du gouvernement français, General Electric est autorisé à racheter le pôle énergie de l'industriel Alstom. Le conglomérat américain met alors 12,35 milliards d'euros sur la table pour racheter l'essentiel des activités énergétiques d'Alstom, qui représentent 70 % du chiffre d'affaires du groupe français et emploient environ 9 000 personnes en France, la moitié des effectifs de l'Hexagone. À l'époque, ce rachat fait couler beaucoup d'encre. Il est qualifié par les opposants du gouvernement Hollande de "scandale d'Etat", celui-ci revenant à confier à un groupe étranger la maintenance des turbines des réacteurs français.
Cinq ans plus tard, cette affaire fait encore parler d'elle. En juillet 2019, une enquête préliminaire du Parquet national financier (PNF) est ouverte. Elle fait suite à la saisie du parquet de Paris en janvier 2019 par le député LR Olivier Marleix pour enquêter sur les circonstances de la vente d'Alstom à l'Américain. L'élu d'Eure-et-Loir soupçonne un "pacte de corruption" qui aurait pu bénéficier à Emmanuel Macron, ministre de l’économie au moment de la signature de la vente, pour sa campagne à la présidence de la République. Affaire à suivre donc...

2017 : Danone - WhiteWave Foods

Neuf mois après l'avoir annoncé, le groupe français Danone finalise en 2017 le rachat aux États-Unis de The WhiteWave Foods, entreprise spécialisée dans les produits laitiers bio (Alpro notamment). Ambition affichée : devenir un des premiers acteurs bio au monde !
Et pour ce faire, le groupe français Danone a dépensé pas moins de 12,5 milliards de dollars, soit environ 11,7 milliards d'euros. Dans le détail, Danone a déboursé 9,95 milliards de dollars pour le capital de WhiteWave, auxquels se sont ajoutés la dette et certains passifs de la société américaine.
Danone et WhiteWave ont désormais regroupé leurs activités en Amérique du Nord en une seule entité, sous le nom de DanoneWave.

2017 : Technip - FMC

TechnipFMC est né en janvier 2017 de la fusion de l’équipementier américain FMC et du groupe parapétrolier français Technip. Avant la fusion, les deux groupes employaient au total 45 000 personnes dans plus de 45 pays et avaient réalisé en 2015 un chiffre d'affaires cumulé d'environ 20 milliards de dollars. Et leur capitalisation boursière s'élevait à eux deux à 16,2 milliards de dollars en décembre 2016.
Mais en août 2019, après moins de trois ans de mariage, le groupe annonce sa scission en deux entités: d’une part les activités sous-marines de recherche et d’exploitation d’hydrocarbures, d’autre part les grands projets pétroliers et gaziers. Cette scission devrait être effective courant février 2020.

2017 : Essilor - Luxottica

En 2017, c'est un coup de tonnerre dans le secteur de l'optique : le français Essilor (verres progressifs Varilux), numéro un mondial de l'optique ophtalmologique, et l'italien Luxottica (Oakley, Ray Ban), premier fabricant mondial de montures de lunettes, annoncent leur fusion. Objectif ? Devenir le leader mondial de l'optique. Le nouveau géant pèse d'ailleurs 46 milliards d'euros en Bourse, selon la valorisation à l'époque des deux entreprises.
La fusion a été guidée par un marché mondial des lunettes en forte croissance. Il était évalué à 100 milliards de dollars environ (94 milliards d'euros) en 2015 par la société de conseil américaine Grand View Research. Ce marché est d'ailleurs en croissance constante en raison du vieillissement de la population et d'une attention croissante portée aux problèmes liés à la vue.

2017 : Thales - Gemalto

C'est l'une des plus importantes acquisitions de l'année 2017. Le groupe technologique français Thales s'est offert le numéro un mondial des cartes SIM Gemalto, en difficulté, pour former un géant mondial de la sécurité informatique.
Cet "accord de rapprochement" valorisait alors Gemalto à environ 4,8 milliards d'euros en offrant 51 euros pour chacune de ses actions. Grâce à cette acquisition, Thales, dont la sécurité est l'une des branches à côté de l'aérospatial, du transport et de la défense, veut ainsi présider avec le spécialiste de la protection des données à la "création d'un leader mondial du marché en croissance rapide de la sécurité digitale", expliquait à l'époque un communiqué conjoint. Cette acquisition a également permis à Thales de se classer parmi les trois principaux acteurs mondiaux de la sécurité numérique, avec 3,5 milliards d'euros de chiffre d'affaires.

2017 : PSA - General Motors

Autre grosse opération française de l'année 2017 : le groupe automobile français PSA (marques Peugeot, Citroën et DS) rachète les activités européennes du géant américain General Motors (Opel et Vauxhall). Montant de la transaction : 1,3 milliard d'euros. De quoi donner naissance au deuxième constructeur de véhicules en Europe.
Le constructeur français ne compte pas s'arrêter là. En 2019, le principe d'une fusion à 50/50 entre PSA et Fiat-Chrysler a été acté. Cette nouvelle entité qui serait basée aux Pays-Bas rejoindrait les mastodontes des constructeurs automobiles en devenant le numéro quatre mondial. La fusion pourrait aussi permettre au Français de revenir sur le marché américain grâce notamment aux Dodge et Jeep de son allié, tandis que FCA consoliderait ses positions en Europe où il est en perte de vitesse.

2018 : Safran - Zodiac Aerospace 

L'année 2018 a également été témoin d'une importante fusion-acquisition entre entreprises françaises. D'un côté, Safran, grand groupe industriel et technologique présent internationalement dans les domaines de l’aéronautique, de l'espace et de la défense. De l'autre, une entreprise semblable : Zodiac Aerospace. Montant de l'OPA de Safran : 8,7 milliards de dollars. Cette opération donne naissance à un géant de plus de 20 milliards d'euros de chiffre d'affaires, numéro deux mondial des équipements aéronautiques et numéro trois du secteur aéronautique en dehors des avionneurs.
Safran, qui avait déjà tenté sans succès de racheter Zodiac en 2010, vise à se renforcer sur l'ensemble des grands programmes aéronautiques et à réduire sa sensibilité aux cycles de livraison des avionneurs.

Alstom - Siemens : chronologie d'un échec

Mais les projets français de fusions-acquisitions n'aboutissent pas toujours. Dernier exemple en date, et pas des moindres, le projet de fusion Alstom - Siemens, enterré par Bruxelles.
En février 2019, la Commission européenne a en effet interdit le projet de fusion entre le français Alstom et l’allemand Siemens, estimant ce mariage néfaste pour la concurrence sur le marché ferroviaire de l’Union européenne. Selon Bruxelles, il aurait réduit le nombre d’industriels rivaux dans l’UE ce qui risquait de faire monter les prix des trains pour les compagnies ferroviaires, et celui des billets pour les consommateurs.
Un échec amer pour les deux entreprises, car cette fusion aurait donné naissance à un géant industriel européen et à la deuxième plus grande entreprise ferroviaire du monde, derrière le chinois CRRC. De quoi peser sur ce marché.
Pas de quoi décourager Alstom pour autant qui cherche désormais à racheter la filière ferroviaire du canadien Bombardier pour faire face à la concurrence chinoise.

Une fusion historique pour contrecarrer Airbus

Si les entreprises françaises ne sont pas en reste en termes de fusions-acquisitions, elles ont parfois été menacées par d'autres opérations d'entreprises étrangères. C'est le cas du rachat de McDonnell Douglas par Boeing en 1997.
Dans les années 1990, le succès du constructeur européen Airbus, dont le siège social est installé près de Toulouse, inquiète les Américains. Pour tenter de résister, Boeing rachète en 1997 le numéro 2 du matériel de défense McDonnell Douglas. Coût total de l'opération : 13 milliards de dollars. L'opération est alors qualifiée par les médias de "fusion du siècle". Et pour cause. L'union des deux constructeurs aéronautiques américains donne naissance au groupe aérospatial le plus grand et le plus diversifié au monde et au plus grand exportateur des États-Unis. De quoi riposter face à Airbus.

La plus grande fusion-acquisition de l'histoire

L'industrie est en pointe en matière de fusions-acquisitions. Mais c'est pourtant dans le secteur des services, et plus précisément des télécoms, qu'a eu lieu la plus importante fusion-acquisition de l'histoire. En février 2000, le britannique Vodafone AirTouch s'empare du conglomérat allemand des télécoms Mannesmann AG. Montant de la transaction : 202,8 milliards de dollars !
Depuis, aucune autre fusion-acquisition n'a atteint un tel record.